Le Conseil de l'UE s'apprête à balayer le vote du Parlement sans discussion - 2004/05/07 - Pour publication immédiate
logo

Article de l'Association pour une infrastructure de l'information libre (FFII) : URL originale

Le Conseil des ministres de l'UE est en train de prouver que la notion de démocratie est étrangère à l'Union européenne. Ce mercredi, la présidence irlandaise est parvenue à obtenir une majorité qualifiée pour une contre-proposition à la directive sur les brevets logiciel, avec seulement quelques pays - dont la Belgique et l'Allemagne - faisant preuve de résistance. Le nouveau texte propose de jeter tous les amendements du Parlement européen qui imposaient des limites à la brevetabilité. Au lieu de cela, il rétablit dans sa totalité le langage sibyllin de la proposition originale de la Commission, en y ajoutant la brevetabilité directe de programmes d'ordinateur, de structures de données et de description de processus comme cerise sur le gâteau. La proposition est maintenant programmée pour être confirmée sans discussion lors d'une réunion des ministres les 17-18 mai, à moins qu'un des Etats membres change sa voix. Dans une unamimité remarquable à l'approche des élections, les membres du Parlement européen de tous les groupes de l'échiquier politique condamnent cette irrévérence flagrante pour la démocratie en Europe.
Anne Van Lancker, une députée européenne belge du Groupe socialiste, note que les fonctionnaires qui sont censés respecter cette directive sont maintenant ceux qui peuvent écrire leurs propres lois :
Non seulement le Conseil ignore le Parlement européen sur ce sujet, mais il en rajoute dans l'insulte en allant encore plus loin que la Commission : en plus de faire une infraction de l'utilisation d'algorithmes brevetés ou de méthodes commerciales dans des programmes d'ordinateur brevetés, il propose également d'interdire leur publication, en autorisant les revendications directes sur des objets informatiques (également appelés "revendications de programmes").

Étant donné que la proposition actuelle du Conseil a étéécrite derrière des portes closes par des administrateurs de bureaux des brevets, ce résultat surréaliste ne devrait surprendre personne, hélas.

Piia-Noora Kauppi, députée européenne finlandaise du Parti populaire, exprime sa consternation face au dédain du Groupe de travail du Conseil envers la démocratie parlementaire :
Puisque le Conseil essaie de trouver un compromis avec le Parlement européen sur la proposition concernant la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur (brevets logiciels), il devrait baser son travail sur la conclusion prise par le Parlement en session plénière et non sur les décisions de la Commission ou de la commission parlementaire Juridique. À en juger par les document produits jusqu'ici par le Groupe de travail du Conseil, il semblerait que le Conseil ne veuille pas prendre en compte la volonté des représentants démocratiquement élus de l'Europe.
Pernille Frahm, députée danois et vice-présidente du Groupe GUE/NGL, constate que la Commission européenne et le Conseil abusent de leurs fonctions et ne jouent pas leur rôle dans la législation européenne :
Les administrateurs de brevets à la Commission et au Conseil maltraitent la procédure législative de l'UE.

Leur texte sur les brevets dans une novlangue compliquée et fallacieuse, négocié dans d'opaques transactions en coulisses, est une insulte au Parlement européen, au Comitééconomique et social européen, au Comité des régions et aux innombrables experts et groupes d'intérêts concernés qui ont entrepris avec nous de sérieuses investigations sur ce projet de directive. Non seulement la Commission et le Conseil ne font pas leur propre travail mais maintenant ils essayent également de gâcher tout le difficile travail que les législateurs élus ont fait pour eux, sans même essayer de répondre aux inquiétudes qui ont été soulevées.

Daniel Cohn-Bendit, co-président du groupe Verts/ALE ajoute :
Le Groupe de travail du Conseil a jusqu'ici complètement échouer à aborder les problèmes que les commissions parlementaires à la Culture et à l'Industrie avaient essayé de résoudre. Il se comporte comme la commission Juridique l'année dernière et on peut s'attendre à ce qu'il échoue de la même manière.

Il est clair que les fonctionnaires nationaux des brevets au sein du Conseil ne veulent pas "d'harmonisation" ou de "clarification". Ils veulent tout simplement garantir les intérêts de l'establishment des brevets. S'ils n'obtiennent pas ce qu'ils veulent, ils enterreront tout bonnement le projet de directive et essayeront de trouver d'autres moyens de venir à bout du droit existant, dont la clarté leur est si douloureuse.

Bent Hindrup Andersen, député du Mouvement de juin danois dans le Groupe EDD attire l'attention sur le manque de démocratie dans l'UE, qui est flagrant dans le comportement de la Commission et du Conseil :
L'approche de la Commission et du Conseil dans cette directive est choquante. Ils essaient par tous les moyens d'éluder la démocratie qu'apporte le Droit communautaire actuel. Tout d'abord, ils ont ignoré 94% des participants à leur propre consultation, sans jamais se justifier à part en affirmant que les 6% restants représentaient la "majoritééconomique". Maintenant, ils négligent complètement le vote du Parlement européen et par la même occasion les avis du Conseil économique et social et du Conseil des régions. Ils agissent ainsi parce qu'ils ont l'habitude que cette tactique soit payante. L'UE s'est construite de cette façon. Des bureaucrates qui n'ont pas à rendre de compte deviennent ainsi les maîtres de la législation. Le problème est accentué par le manque complet de contrôle démocratique et d'équilibre dans le système européen de brevets. L'UE et les brevets se mélangent dans un cocktail particulièrement toxique. Les citoyens europ éen doivent de toute urgence reprendre à leur compte ce problème et en tirer les leçons avant qu'il soit trop tard. Ils ne devraient pas en particulier permettre à ce genre de structure de se perpétuer cette année avec la Constitution européenne.
Johanna Boogerd-Quaak, députée néerlandaise du Parti européen des libéraux, démocrates et réformateurs, indique que l'Irlande semble jouer les toutous des USA :
J'ai comme l'impression que la Présidence irlandaise s'est courbée sous les intérêts des compagnies américaines. Une poignée de grandes entreprises américaines peut vraiment profiter des brevets logiciel mais c'est une très mauvaise affaire pour l'innovation des PME européennes. En outre, le Conseil montre du mépris pour la démocratie parlementaire. Nous devons nous assurer qu'après les élections il y a encore encore au Parlement européen une majorité disposée à montrer ses dents.
Plus de 20 parlementaires européens ont signé un Appel à l'action soulignant que "des professionnels des brevets dans divers gouvernements et organisations tentent maintenant d'utiliser le Conseil des ministres de l'UE afin de se soustraire à la démocratie parlementaire au sein de l'Union euroépenne" et poussent le Conseil avec insistance "à s'abstenir de présenter toute contre-proposition à la version du projet du Parlement Européen, à moins que cette contre-proposition n'ait été soutenue par un vote à la majorité du Parlement de l'État membre concerné".
Le puissant Comité des Représentants permanents (COREPER) des États membres de l'UE à Bruxelles s'est provisoirement accordé sur une nouvelle ébauche de la directive controversée sur les brevets logiciels, passant outre l'opposition de l'Allemagne, de la Belgique, du Danemark et de la Slovaquie.

Le nouveau document de travail rejette tous les amendements du Parlement européen limitant la brevetabilité. Il est décrit par la FFII comme "le texte le plus radicalement pro-brevets à ce jour".

Techniquement, la décision de mercredi par le COREPER n'est qu'une "anticipation" de la décision finale qui doit être confirmée par le Conseil des ministres sur la compétitivité les 17 et 18 mai. Jusqu'à cette date, les États membres peuvent encore changer d'avis (et de vote).

Certains états soutiendraient encore assez mollement le texte au niveau politique ; et il arrive aux décisions négociées par le COREPER de tomber en morceaux (les discussions de l'année dernière sur le Brevet communautaire, par exemple).

Le texte du COREPER va plus loin que celui élaboré par la Commission europénne en 2002 en ce qui concerne la légalisation des brevets logiciels. En 2002, la Commission avait accepté, après de difficiles négociations entre la Direction générale Marché intérieur (Bolkestein) et la DG Société de l'information (Liikanen), de ne pas autoriser les revendications de programmes. Il semble maintenant que la DG Société de l'information ait fait demi-tour sous la pression conjointe de Bolkestein et des administrateurs de brevets du Conseil.

Une fuite d'un document de la DG Marché intérieur de Bolkestein recommande à la DG Société de l'information de ne plus s'opposer aux revendications de programmes. Cette concession de Liikanen est nécessaire pour précipiter la proposition du Groupe du travail du Conseil à la réunion des ministres en tant que "point A", i.e. un point de concensus n'appelant pas de discussion entre les ministres.

La semaine prochaine, la FFII appelle à une nouvelle grêve en ligne et à une vague d'actions et de manifestations locales. Déjà ces jours-ci, des personnes sont en train de manifester avec une banderole à proximité des bureaux de la Commission.

  • Les documents du Conseil 8253/04 et 8253/04 ADD du 6 avril ne sont pas accessibles "à cause de la nature sensible des négociations et en l'absence d'un intérêt public supérieur" selon le Secrétariat général du Conseil.
  • Lettreécrite au Secrétariat général du Conseil, faisant appel du refus de publier les documents du 6 avril (en anglais).
  • Nous avons fourni une analyse complète du dernier "compromis" du Conseil. La dernière version provient d'une fuite qui nous est parvenue et qui est accessible dans la section des "Liens annotés".
  • Un document du Ministère autrichien des technologies que nous nous sommes proccuré grâce à une fuite et qui montre un bon exemple de la prise de décision dans la proposition du Conseil. Les députés autrichiens de tous les partis ont majoritairement voté en faveur des amendements du Parlement. Othmar Karas,, à la tête du Parti populaire autrichien au Parlement européen avait écrit au Ministre des technologies en lui demandant de ne pas soutenir la position du Conseil mais n'a pas reçu de réponse. Au lieu de ça, le ministre a laissé toutes les décisions à son bureau des brevets, qui a toujours suivi à 100% le Bureau européen des brevets.
  • La Présidence irlandaise explique sur son site web qu'elle est sponsorisée par Microsoft. L' Irlande est "le plus gros pays exportateur de logiciels en Europe", grâce à une politique fiscale qui en fait un paradis fiscal pour les grosses entreprises des USA : son taux d'imposition sur les revenus des brevets est de 0%.
  • Nouvelles plus récentes
courriel:
media-help at ffii org
tél:
Hartmut Pilch +49-89-18979927 (Allemand/Anglais/Français)

Jonas Maebe +32-485-36-96-45 (Néerlandais/Anglais)

Erik Josefsson +46-707-696567 (Suédois/Anglais)

Thierry Coutelier +352 406776 (Français/Allemand/Anglais)

Benjamin Henrion +32-498-292771 (Français/Anglais)

Dieter Van Uytvanck +32-499-16-70-10 (Néerlandais/Anglais)

Tomasz Marciniak +48-61-8779-208

Stepan Kasal +42-0-257323410

James Heald +44 778910 7539 (Anglais)

Plus de contacts peuvent être fournis sur simple demande

L'Association pour une infrastructure de l'information libre (FFII) est une association à but non lucratif enregistrée à Munich, ayant pour objet de promouvoir les savoirs dans le domaine du traitement des données. La FFII soutient le développement de biens informationnels publics fondés sur les droits d'auteur, la libre concurrence et les standards ouverts. Plus de 400 membres, 1000 sociétés et 60000 adhérents ont chargé la FFII de représenter leurs intérêts dans le domaine de la législation sur les droits de propriété attachés aux logiciels.
http://swpat.ffii.org/journal/04/cons0507/index.fr.html

Valid XHTML 1.1! Valid CSS! Creative Commons License - crédits et droits