Si, comme tout modèle, celui proposé par Bessen & Maskin peut être critiquable, n'étant qu'une projection de la réalité, les hypothèses sur lesquelles il se base et les conclusions qui en découlent, ont également été largement confirmées dans une analyse expérimentale faisant partie de la même étude.
Les auteurs ont en effet constaté que jusqu'aux années 80-90, l'absence de brevets logiciels n'avait absolument pas empêché l'économie du logiciel de croître de façon remarquable, ni les innovations de se succéder à un rythme extrêmement rapide, bien au contraire.
Par ailleurs, comme nous l'avons exposé dans la première partie de cet article, il existe déjà un monopole de fait, lors de l'industrialisation d'une invention, selon le principe du « first mover takes all ». Or l'étude sur l'expérimentation de Bessen & Maskin montre que le taux d'innovation n'est pas le plus grand lorsque les premiers inventeurs sont en situation de monopole. Ainsi le tableau suivant donne les moyennes pondérées des taux d'innovation annuels selon les phases représentant les mouvements d'entrée et de sortie de multiples acteurs dans un marché sectoriel concurrentiel :
Taux pour toutes les
inventions
|
Taux pour les inventions
majeures
|
Taux d'entrée des sociétés
|
|
---|---|---|---|
Monopole |
0,39
|
0,19
|
0,22
|
Entrée |
0,57
|
0,29
|
5,05
|
Équilibre |
0,62
|
0,22
|
-0,07
|
Épuration |
0,36
|
0,18
|
-4,97
|
Maturité |
0,43
|
0,22
|
0,16
|
De plus, on peut également remarquer que les dépenses en recherche et développement ont chuté pour les détenteurs des plus gros portefeuilles de brevets logiciels.
On peut dès lors conclure que le système de brevets logiciels introduit des effets anticoncurrentiels défavorables aux petits éditeurs et au contraire favorables aux concentrations et la préservation de position acquise. Ces effets anticoncurrentiels connus du brevet avaient été acceptés par la société dans les industries traditionnelles en échange d'un renforcement de l'innovation. Or, dans le cas du logiciel, l'effet des brevets sur l'innovation est exactement l'inverse.
Qui plus est, les effets anticoncurrentiels des brevets logiciels dépassent largement ceux constatés dans les industries de systèmes complexes matériels, par exemple l'automobile, car dans ces industries, la concurrence se joue quasi exclusivement entre de très grandes entreprises en raison des investissements considérables qu'il faut consentir pour industrialiser une innovation (cf. Jean-Paul Smets-Solanes, Rapport sur l'innovation http://www.pro-innovation.org/rapport_brevet/brevets_plan.pdf, 1999).
Copyright © 2004 Gérald Sédrati-Dinet - Cet article est sous licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike. Pour obtenir une copie de cette licence, voir http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/1.0/ ou envoyer une lettre à Creative Commons, 559 Nathan Abbott Way, Stanford, California 94305, USA.