Comme nous venons de le voir, la solution la plus couramment employée lors d'une contrefaçon à un brevet logiciel est de céder au contrevenant une licence lui permettant sous certaines conditions, en particulier financières, d'utiliser la fonctionnalité brevetée.
En fait, il faut bien comprendre, comme nous le détaillerons dans la prochaine partie, qu'un logiciel est un système complexe, composé d'une multitude de fonctionnalités. Aussi, la fonctionnalité brevetée ne porte que sur une infime partie du logiciel complet. Et il y a de grandes chances pour qu'un grand nombre d'autres fonctionnalités soit déjà breveté par des concurrents. Cette situation conduit généralement les contentieux en matière de brevets logiciels à se régler par un accord de licences croisées. Une entreprise donne le droit à une autre d'utiliser la fonctionnalité qu'elle a brevetée, en contrepartie de quoi la première peut implémenter les idées brevetées par la seconde.
La conséquence inhérente à ces accords de licences croisées est qu'un brevet isolé est rarement - pour ne pas dire jamais - défendable face à une entreprise possédant de multiples brevets de son côté. On estime ainsi qu'un grand éditeur de logiciel, lorsqu'il possède un gros portefeuille de brevets et une bonne équipe d'avocats, a les moyens de contrer la majorité des litiges pour contrefaçon de brevet.
Ainsi, IBM qui détenait déjà en 1990 le plus gros portefeuille de brevets logiciels (environ 9000), a déclaré à l'époque dans Think Magazine gagner dix fois plus de royalties en ayant l'autorisation d'exploiter les brevets logiciels d'autres entreprises qu'avec les royalties perçues directement sur ses propres brevets. Cela signifie que l'imposant portefeuille de brevets logiciels d'IBM lui permet de facilement négocier des licences lui autorisant l'utilisation des idées brevetées par d'autres entreprises. Mais sans ces accords de licences croisées, le système de brevets logiciels aurait été dix fois plus préjudiciable à IBM qu'il ne lui aurait rapporté.
Cet aveu souligne le frein à l'innovation et à la productivité introduit par le système de brevets logiciels. Non seulement, comme nous l'avons vu, le dépôt de brevet peut s'avérer contre productif par rapport à une stratégie d'alliance en vue d'une standardisation, mais le blocage induit par les brevets de concurrents peut également empêcher le développement de l'activité d'un éditeur de logiciel si celui-ci ne possède pas un portefeuille de brevets logiciels suffisamment imposant pour contrer ces limitations en nouant des accords de licences croisées avantageux.
Ceci est dû à la nature profondément incrémentale de l'innovation en matière de logiciels, qui reste avant tout un système complexe, comme nous allons l'aborder dans la partie suivante.
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