Qui plus est, cette « protection » par un brevet logiciel peut n'être que purement hypothétique. Dans le meilleur des cas en effet, la fonctionnalité brevetée peut être exploitée durant toute la durée du monopole privatif accordé par le brevet logiciel, sans qu'il y ait besoin de la défendre contre des contrefaçons. Les accords ADPIC - Aspect des Droits sur la Propriété Intellectuelle qui touchent le Commerce, en anglais TRIPS : Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights - obligent maintenant les pays membres de l'OMC à accorder des brevets pour une durée de 20 ans, quel que soit l'objet ou le domaine technique du brevet. Il se peut très bien que pendant 20 ans, aucun concurrent n'ait besoin de reprendre une idée logicielle brevetée5.
Mais si l'idée brevetée est bonne et qu'elle ne se situe pas dans une « niche » de marché, il est probable que des concurrents tentent de l'implémenter dans leurs propres produits logiciels. Une solution médiane, majoritairement répandue pour régler de tels conflits, consiste alors à trouver avec le contrevenant un accord à l'amiable conduisant à un remboursement du dommage induit par la contrefaçon. On peut ainsi soit demander la cessation de l'exploitation de la fonctionnalité, soit autoriser le concurrent à continuer cette exploitation, en lui cédant une licence lui permettant de le faire. Le coût de telles licences peut être calculé forfaitement ou proportionnellement au montant des ventes du produit implémentant la fonctionnalité sous licence. Nous reviendrons en détail sur ces accords de licence dans la prochaine section.
Enfin, lorsqu'aucun accord n'a pu être trouvé, l'affaire peut être traduite en justice. Il faut alors savoir que le coût moyen d'un tel procès s'élève à 50 000 pour chaque partie en Europe. D'après les chiffres officiels publiés par l'American Property Law Association dans son rapport de 1999, Report of Economic Survey, un procès en contrefaçon de brevet coûte aux États-Unis près de 800 000 $ dans le cas où une transaction peut être conclue et s'élève jusqu'à 1 500 000 $ pour chaque partie en cas d'appel.
D'autre part, il existe un risque pour qu'en cas de recours devant les tribunaux, le brevet soit annulé. On estime en effet que 90% des brevets déposés à l'USPTO sont invalides, par défaut de nouveauté ou d'inventivité (source : Greg Anaronian, Patent Examination System is Intellectually Corrupt http://www.bustpatents.com/corrupt.htm).
Nul besoin de préciser que des développeurs indépendants ou de petites structures ont beaucoup de mal à supporter de tels coûts, que ce soit pour se défendre contre une contrefaçon ou pour contester la validité d'un brevet déposé par un concurrent. Ainsi en 2000, seuls 0,13% des brevets américains ont été contestés lors d'un procès (le chiffre était de 1,37% vingt ans auparavant).
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