Autres moyens de « protection »

Il existe pourtant d'autres moyens de « protéger » les créations logicielles3. Le droit d'auteur a depuis longtemps été mis en avant afin de légiférer sur les droits accordés quant à l'utilisation des logiciels. Désormais, plus ou moins assimilé dans la pratique au « copyright » anglo-saxon, le droit d'auteur tente de donner à un auteur de logiciel toute garantie quant à la maîtrise de sa création. Le droit d'auteur attaché traditionnellement aux logiciels propriétaires encadre l'utilisation et la copie du logiciel de manière stricte. Le droit d'auteur des logiciels libres - rebaptisé « gauche d'auteur » ou « copyleft » - permet l'utilisation, l'étude, la copie et la diffusion de ces derniers tout en permettant au créateur de logiciels libres de jouir de la reconnaissance de ses pairs et de garantir la conservation de ces libertés dans les évolutions qui peuvent être apportées à sa création.

D'autre part, il a été créé en Europe en 1996 un droit spécifique pour les auteurs d'une compilation résidant dans une base de données. Ce droit - dit droit sui generis des bases de données - garantit au créateur d'une base de données toute exclusivité sur l'utilisation et la copie de tout ou partie de la base qu'il a constituée.

Le principe de concurrence déloyale « protège » également tout créateur de logiciel en interdisant à ses concurrents de tirer partie de façon substantielle et sans contre-partie de l'investissement consenti et réalisé pour la création du logiciel.

Enfin, le secret industriel reste une des méthodes les plus éprouvées pour empêcher ses concurrents de profiter de ses propres inventions (cf. le secret de fabrication du Coca-Cola). Il est cependant vrai que dans le cas où l'invention réside dans l'interface du logiciel, la fonctionnalité innovante sera directement exposée à la vue des concurrents. Il est également notable que la directive européenne de 1991 sur le principe d'interopérabilité annule notamment tout droit d'auteur et toute interdiction d'opération de décompilation si l'auteur n'a pas effectué les adaptations nécessaires à la compatibilité de son programme avec un autre.

Toutefois, il existe une différence fondamentale entre le brevet logiciel et le droit d'auteur, qui reste la disposition juridique la plus employée pour la « protection » des créations logicielles. Effectivement, le droit d'auteur ne « protège » qu'une expression de l'invention alors que le brevet s'applique aux fonctionnalités mises en œuvre par l'invention, au delà d'une forme d'expression particulière. Pour faire un parallèle avec la littérature - art pour lequel le droit d'auteur a été initialement créé - plagier Le voyage au bout de la nuit est interdit tant que Céline ou ses ayants droits bénéficient du droit d'auteur sur cet ouvrage. Par contre si cette œuvre était brevetée, tout écrit portant sur les dommages de la guerre ou sur les idées sous-tendues dans Le voyage au bout de la nuit serait également prohibé.

Si le brevetage des idées mises en œuvre par la littérature n'est heureusement pas à l'ordre du jour, la « protection » des concepts et méthodes intellectuelles exploitées dans des logiciels a, depuis les années 90, fait l'objet d'une pression croissante de la part des grandes entreprises de l'industrie logicielle et culturelle. Celles-ci considèrent en effet que l'investissement qu'elles peuvent consentir en recherche et développement devrait être compensé par un droit de regard sur toute invention complémentaire. Ainsi, la majorité des brevets logiciels, déposés tant dans les offices américains qu'européens, sont rédigés de telle sorte que les revendications ont une portée extrêmement étendue, interdisant à tout concurrent d'investir dans des pans entiers de la technologie4.

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